"Peut-être vaut-il la peine de rappeler qu'on a le droit de ne pas comprendre le tout d'un livre et tout de suite. On peut lire, ne retenir que ce qui nous a le plus intéressé. Chacun lit un livre avec sa propre tête - pas celle du voisin. Lisant, je ne comprends pas nécessairement tout - ou relisant, je comprends autrement. Mais je lis, j'avance. Rien ne justifie d'être "complexé" face à un récit. Sans doute le lecteur doit-il accepter un état de non-maîtrise, de se réapproprier le temps de l'approche, car s'il y a difficulté, il peut aussi y avoir plaisir. Quand un adolescent lit Platon ou Nietzche, qui sont des auteurs difficiles - ou écoute Bach, Fauré, Bartok, Ligeti ou Dusapin, ce qui n'est pas évident en un premier temps quand l'oreille a été formée à d'autres systèmes sonores -, il peut découvrir les plaisirs de la pause, de la concentration. Il y a de la joie dans l'ascèse, et le bonheur peut résulter aussi d'un tel investisement, comme l'a montré Lydia Flem dans son Casanova ou l'exercice du bonheur. Et si Casanova approchait les femmes, qu'il aimait intelligentes, avec la soif de connaissance que l'on peut avoir en feuilletant un livre pour y découvrir ce que l'on ne savait pas qu'on allait pouvoir y trouver ? Et si l'érotique des savoirs était proche de celle des corps que l'exégèse biblique a trop souvent voulu séparer de l'esprit. Après tout, sentire, en latin, peut signifier à la fois "percevoir par les sens" et "percevoir par l'intelligence". Ce type d'intelligence multiple, sensible, se retrouve également dans l'hébreu biblique ou un même terme peut vouloir dire "relation sexuelle" et "connaissance intellectuelle", un couple sémantique à méditer - ce qui n'a pas échappé à Spinoza."Maurice Olender dans la librairie du XXIème siècle.
lundi 29 juin 2009
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire